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Histoire de la Bretagne |
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De l'Empire à nos jours
Napoléon met au pas la Bretagne
L'Empire, en Bretagne comme ailleurs, impose une centralisation renforcée : préfets, maires, enseignants, évêques sont "nommés" par le pouvoir central. L’identité bretonne, après des siècles d’autonomie se trouve fortement encadrée. Malgré un accueil très chaleureux de Nantes à l’Empereur, lors de sa visite en août 1908, les rapports entre Napoléon et la Bretagne resteront toujours empreints d’une méfiance réciproque.
Seule la paysannerie lui saura gré d’avoir sauvegardé ses acquis de la révolution en lui donnant le droit de posséder et d’exploiter ses propres terres.
L'épisode du camp de Conlie
Le XIXème siècle est cependant, dans l’ensemble, politiquement assez calme en Bretagne malgré un contexte économique très médiocre, une industrie très faible et une agriculture qui tarde à se moderniser. La prise de conscience des difficultés de la Bretagne est amplifiée par la guerre de 1870 qui voit de très nombreux Bretons mourir au camp de Conlie près du Mans.
Cet épisode contribuera à développer la morosité en Bretagne. Celle-ci aura deux conséquences principales :
- d’une part une amplification du phénomène migratoire,
- d’autre part la résurgence d’un nationalisme breton qui se poursuivra au XXème siècle après l’interruption liée à la première guerre mondiale.
L'émigration bretonne aux XIXème et XXème siècles
Mais cette forte expansion naturelle de la population a pour conséquence une détérioration du niveau de vie, principalement dans les campagnes, qui provoque, dès le début du XIXème siècle dans les départements des Côtes du Nord, du Finistère et d’Ille et Vilaine, un très fort courant migratoire lié à la pauvreté du monde paysan et, dans une moindre mesure, à celle des pêcheurs.
Les Annales de Géographie de 1923 ont consacré à ce phénomène de grande ampleur un développement approfondi (en savoir plus…). Pendant la première moitié du XIXème siècle, l’émigration naît de la surpopulation. La Bretagne est alors un pays d’agriculture arriérée produisant peu et comprenant beaucoup de terres incultes. L’excédent de population doit chercher ailleurs des moyens d’existence mais l’absence ou le mauvais état des voies de communication maintiennent la région dans son isolement séculaire et contiennent l'émigration. Avec la seconde moitié du XIXème siècle, la culture s'améliore et étend son domaine par défrichement. Mais ses progrès sont moins rapides que ceux de la population : les exploitations rurales restent trop peu nombreuses au regard de la demande et sont âprement disputées; les prix des propriétés vont à la hausse. Rendue plus facile par l'établissement d’un réseau ferré très dense, l'émigration s'amplifie et se propage par imitation, au-delà du rationnel.
Le groupe le plus fort d'émigrés (109 351 en 1891) est celui de l'agglomération parisienne (vers la Seine, 88 100; vers la Seine-et-Oise, 21 251). C'est une émigration pauvre, comprenant des domestiques, surtout des femmes, des cochers ou chauffeurs, des employés, en particulier des employés de chemins de fer, des ouvriers à bas salaires. Aussi les retours au pays sont-ils rares, sauf pour les servantes, et les retours après fortune faite à peu près nuls.
Il faut aussi mentionner une émigration de proximité, vers les régions voisines de la Bretagne, où des exploitations agricoles se trouvent disponibles du fait de l’exode rural sévissant également dans ces régions. Beaucoup de Bretons des zones côtières émigrent quant à eux vers d’autres ports plus prospères : Le Havre, Rouen, Honfleur, Dieppe, Bordeaux. Mais l’émigration lointaine, vers le Canada, Saint-Pierre et Miquelon, les Etats-Unis, l’Argentine, etc. reste limitée, à la différence de l’émigration irlandaise du milieu du XIXème siècle vers les Etats-Unis ou l’Australie.
Après la première guerre mondiale le « placement » des filles de la campagne s’arrête mais l’exode rural se poursuit. La première guerre mondiale crée en outre une très profonde saignée évaluée de plus de 200 000 hommes. Les campagnes continuent à se vider et la Bretagne se dépeuple. Entre les deux guerres, 9 communes sur 10 perdent de la population et celle-ci s’installe à partir de 1920 sur un étiage de 3 millions d’habitants dont elle ne recommencera à se détacher que bien après la fin de la deuxième guerre mondiale. L’exode rural perdurera en fait jusqu’à la fin des années 1960 et il faudra attendre 1975 pour que le recensement enregistre un solde migratoire positif par rapport au précédent.
On estime que de 1860 à 1960, 1.1 million de Bretons aura quitté la Bretagne dont la moitié environ sera venue s’installer en région parisienne.
La résurgence du nationalisme breton
Dès le début du XIXème siècle, par réaction à la mise au pas napoléonienne, divers mouvements tenteront de s’organiser pour sauvegarder, à défaut de l’autonomie, la spécificité culturelle bretonne. Mais les consignes préfectorales sont fermes et celles données aux instituteurs en 1845 sont sans appel : « Surtout rappelez-vous, Messieurs, que vous n'êtes établis que pour tuer la langue bretonne ". Cependant des écrivains œuvrent à la survie de la langue bretonne et un nouvel élan religieux se développe en Bretagne.
Un Parti national breton voit le jour en 1911 et est refondé en 1932. Il sera dissout sous le gouvernement Daladier (octobre 1939) en raison de ses relations politiques et financières "amicales" avec l’Allemagne nazie et entrera dans la clandestinité jusqu’à son extinction en 1944. La deuxième guerre mondiale sera en fait une période difficile pour la Bretagne. Les mouvements autonomistes, dans l’ensemble très marginaux mais cherchant à acquérir pignon sur rue au travers d’une collaboration avec l’occupant, s’opposeront à des maquis de résistance tirant parti de la topologie des lieux et de leur connaissance du terrain. A la libération, vingt nationalistes bretons seront condamnés à mort et huit exécutés.
Après la guerre, alors que l’exode rural se poursuit, de nouveaux mouvements autonomistes, fédéralistes ou séparatistes, se forment et s’appuient à nouveau sur le retard économique de la Bretagne pour développer leur action, parfois violente. Une galaxie assez confuse de mouvements ou de groupuscules cherche à s’approprier la défense de la culture bretonne mais certains n’hésitent pas à passer à l’action violente. Les attentats perpétrés par le Front de Libération de la Bretagne à partir de 1966 viendront devant la Cour de sûreté de l’Etat en 1972 ce qui n’empêchera pas en 1974 et 1977 la destruction d’émetteurs de l’ORTF.
Le retour au culturel
C’est le développement économique de la Bretagne qui viendra mettre un terme à ces actions violentes et transformeront le mouvement autonomiste breton en un véritable mouvement de soutien à la culture bretonne auquel s’associeront de nombreuses organisations et associations. Ce retour aux fondamentaux culturels a été amorcé dès les années 50 avec le développement des bagadoù, ensembles de musique traditionnelle s’inspirant des pipe bands écossais et regroupant des cornemuses, des bombardes et des percussions. A ces bagadoù sont souvent liés des cercles celtiques, groupes de danse traditionnelle.
Parallèlement, le mouvement breton continue le travail entamé avant-guerre dans le domaine de la langue et de la littérature et crée de nombreuses revues bretonnantes. En région parisienne, la diaspora crée de nombreux cercles et amicale regroupées au sein de la Fédération des sociétés bretonnes de la région Parisienne dont l’Amicale des Bretons de Rueil-Malmaison et des environs est l’un des membres les plus actifs. La Mission bretonne est ouverte à Paris en 1947. La fédération Kendalc’h qui regroupe les organisations culturelles du mouvement breton est créée en 1951. Un peu plus tard, en 1977, le réseau d’écoles Diwan, Di Yezh et Dihun, réseaux d'écoles associatives, gratuites et laïques où l'enseignement est dispensé en langue bretonne, commence à se mettre en place.
Cependant, si un courant d’intérêt se développe au profit de la culture bretonne, y compris dans des formes récréatives que sont les festoù-noz, il n’est pas sûr qu’il soit suffisant pour endiguer le recul de la langue bretonne dont on estime qu’elle n’est désormais parlée que par une communauté de 250 000 locuteurs brittophones, bien qu’elle demeure la troisième langue celtique derrière le gallois et l’irlandais, devançant largement le gallo, langue d’oïl jadis parlée en Haute-Bretagne et qui n’est pratiquée que par 30 000 locuteurs environ.
Le développement économique des dernières décennies
Le développement économique de la Bretagne est certainement le fait marquant des toutes dernières décennies. C’est lui qui permet à la Bretagne d’exercer à présent un autonomisme apaisé. Les pionniers de la relance économique de la Bretagne sont à rechercher parmi les fondateurs, en 1950, du Comité d’étude et de liaisons des intérêts bretons (CELIB), dont René Pléven, élu des Côtes du Nord et personnage politique éminent de la IVème république.
Un plan de désenclavement routier est adopté le 9 octobre 1968 prévoyant deux axes rapides à quatre voies sans péage qui seront complétés plus tard par des liaisons transversales, elles aussi gratuites. A partir de 1989, le TGV atlantique sillonne l’Ouest de la France, du Finistère au Val de Loire.
Dans ce retour à la prospérité, tout ne va pas pour le mieux : l’Amoco Cadiz provoque une gigantesque marée noire en 1978 et une violente contestation en février et mars 1980 met un terme au projet de construction d’une centrale nucléaire à Plogoff dans le Finistère.
Néanmoins le renouveau de la Bretagne est spectaculaire. La population de la Bretagne historique rattrape en 1968 son maximum d’avant la première guerre mondiale (3.3 millions d’habitants) et atteint 4.3 millions au 1er janvier 2006. Sur la période 1999-2007, le taux de croissance annuel moyen est de 0,9 % ; il est deux fois plus important que sur la période 1990-1999. L'augmentation de la population bretonne est supérieure à celle observée en France (0,7 %). Le solde naturel est inférieur à la moyenne française (0.2% contre 0.4%) mais le solde migratoire y est très supérieur (0.7% contre 0.4%). Pendant près de 200 ans terre d’exil, la Bretagne est redevenue une terre d’accueil. L’immigration bénéficie à toutes les grandes villes mais aussi aux villes moyennes qui sont nombreuses en Bretagne. Seul le centre de la Bretagne reste, pour l’instant, délaissé. Les cas de « retour au pays » de fils ou petits-fils d’émigrants recherchant des conditions de vie plus faciles qu’en région parisienne se multiplient sans qu’il soit encore possible de les quantifier.
Bien entendu la Bretagne, comme toutes les autres régions de France, subit les conséquences de la très grave crise économique amorcée à la mi-2008. La désindustrialisation y est perceptible, y compris dans les domaines de pointe tels que les télécommunications où la Bretagne avait excellé au cours des dernières années. La Bretagne possède des atouts spécifiques et notamment une industrie du tourisme à présent solidement implantée. Il serait cependant imprudent d’extrapoler sans précautions les tendances observées au cours des vingt dernières années.